Je me nomme Garou. Superbe canin
avec une somptueuse fourrure de couleur noir agrémentée de blanc et de fière
descendance du labrador! Je suis un de ces nombreux rescapés vivant en
sécurité et heureux au Domaine du Grand Semeur avec comme toile de fond la nature luxuriante qui se métamorphose à chaque saison qui se succède.
Et que dire du majestueux
fleuve à perte de vue avec ses effluves marines qui me chatouillent les narines
lorsque je suis dans l’enclos à flâner tout simplement avec mes amis! Ah! Je
veux vous mentionner aussi que je n’aime pas particulièrement tout ce qui vole
dans le ciel comme les corbeaux, les corneilles, les avions et les parapentes! Cela me met hors de moi et je jappe afin de démontrer mon mécontentement. Mais
soyez sans crainte, je ne suis pas méchant pour autant car j’ai un cœur brodé d’or.
Je veux maintenant vous parler un peu de moi car j’ai déjà quinze ans bien
sonnés. De plus, il y a quelques semaines, j’ai été opéré pour une tumeur à mon
cou et je me suis dit pourquoi ne pas raconter mon histoire avant de franchir
le pont Arc- en-ciel. C’est certain, ma jeunesse est
bien loin. Je le vois très bien quelques fois à ma démarche chancelante et
hésitante mais j’ai toujours cette fougue de vouloir continuer ma vie en profitant
pleinement de l’instant présent. On peut dire de moi que je suis un battant! On
dit souvent d’un chien qu’il ressemble à son maître et bien moi, je suis fier
d’avoir la force de caractère de ma maîtresse que je protégerai jusqu'à mes
derniers moments. Je l’aime d’un amour inconditionnel.
Ma vie a changé lorsque j’avais 3
mois environ. C’est à ce moment-là, que je me suis demandé ce qu’il adviendrait
de mon avenir car j’étais si jeune, triste et désemparé dans mon minuscule
enclos insalubre. Oui, j’avais un peu de nourriture, de l’eau de temps en
temps, une niche pour dormir mais ce qui m’attristait le plus, c’est que je ne
voyais presque jamais personne. Et les visites du monsieur qui m’avait adopté
étaient presque inexistantes. Jamais de douces caresses sur ma petite tête et
jamais de mots réconfortants lorsqu'il me regardait de son air indifférent du
coin de l’œil.
Je me demandais souvent pourquoi je n’avais pas de nom comme les
autres chiens qui passaient dans la rue bien accompagnés et qui respiraient le
bonheur et la joie de vivre le nez au vent. Une madame d’un âge avancé venait
me voir de temps en temps et je crois bien que c’était la voisine d’à côté. Elle me parlait doucement et dans ses yeux, je voyais une tristesse infinie car
elle ne pouvait rien pour moi. Quand les étoiles brillaient de mille feux dans
le ciel, je rêvais à une vie meilleure, une vie de vrai chien. Les jours et les
nuits se succédaient et j’appréhendais les grands froids et surtout l’impensable
solitude. Que vais-je devenir? Me laissera -t-il une minime place dans sa
demeure? Me donnera -t-il un peu de tendresse? Et je rêvais! Et j’espérais! Jour après jour! Nuit après nuit!
Un soir du 24
juin, où des feux d’artifice éclairaient et égayaient le ciel et que tous les
gens des environs avaient l’esprit à la fête, le miracle s’est produit enfin. Couché en boule dans mon abri de fortune, un bruit étrange est parvenu à mes
oreilles. Des pas veloutés mais bien décidés venaient vers moi. Apeuré et
curieux à la fois, je suis sorti prudemment de mon antre. Un petit jappement de
surprise est sorti de ma gorge! Chut! Chut! M’a dit la voix. Viens, viens
mon beau. Je n’en croyais pas mes yeux et mes oreilles. Quelqu'un s’intéressait
enfin à moi!
Est-ce que ma solitude serait maintenant du passé? Pourrais-je
avoir enfin une vie canine au-delà de mes attentes? J’étais hésitant. Je
savais que c’était une dame car elle avait une voix rassurante et douce à la
fois. Elle était vêtue entièrement de noir. Ah! Ah! Je pense qu’elle vient me
visiter en catimini, me suis-je dit en souriant car ce n’est pas la soirée
d’Halloween! Elle vient me libérer de ma prison, elle est vraiment courageuse
d’affronter l’obscurité juste pour moi. Confiant, je suis allé vers elle et
quand elle m’a pris dans ses bras, j’ai su à cet instant précis que ma vie
allait changer à tout jamais.
À la vitesse de l’éclair, elle
m’a déposé doucement sur le siège passager dans son convertible, je me souviens
comme si c’était hier! J’étais si fier et je me sentais si important quand son
regard affectueux a croisé le mien. Je venais de rencontrer celle avec qui je
passerais toute ma vie de chien protecteur et fidèle. Rendu chez elle, elle m’a
fait un brin de toilette pour ensuite me présenter à Sardou, son compagnon des
six dernières années. Ce dernier est devenu au fil du temps qui passe mon partenaire
préféré des randonnées inoubliables et des longues baignades improvisées avec
notre maîtresse adorée, dans les eaux bienfaisantes du grand fleuve.
Et par une
splendide journée du mois d’avril en 2014, mon bel ami Sardou est parti tout
doucement à l’âge respectable de quatorze ans pour la contrée des canins disparus. Tout comme
moi, il a été adopté avec amour après avoir été abandonné et attaché à une poignée
de porte de l’école où travaillait notre maman adoptive. Il me manque encore
beaucoup même après tout ce temps passé. La bonté et l’amour que je trouve à
vivre au Domaine du Grand Semeur vont certainement me permettre de connaître encore
de délicieux moments et de doux bonheurs avant de fermer mes beaux yeux bruns à
tout jamais.
Publié par Martine Pelletier ( auteure )
Photos: Martine Pelletier
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire