Qu'est-ce que la mer?
Si c'est l'océan, je n'ai eu l'occasion de m'y rendre qu'une seule fois, il y a quelques années.
Pour moi, la mer, c'est le fleuve Saint-Laurent, il fait partie de ma vie.
J'ai vu le fleuve pour la première fois à huit ans. Je vivais à l'intérieur des terres. Mes parents désiraient une photo de famille. Nous étions seize personnes, la photo a été prise près de l'eau, car le studio était trop petit et la famille très grande.
Adolescente, j'ai fait une année scolaire dans un petit village situé sur la rive nord de la Gaspésie. Je n’étais pas heureuse, alors je n'aimais pas la mer.
À l'automne, le fleuve était gris comme mon humeur. Pendant l'hiver de gros glaciers sur le rivage semblaient me regarder et rire de mon ennui, j'ai cessé mes études.
À seize ans, j'avais oublié cette période et j'ai accepté un travail en hôtellerie au bord du fleuve.
J'étais heureuse, ces flots bleus à perte de vue étaient témoins de mes rêveries de jeune fille romanesque. Durant les jours ensoleillés, je pouvais voir passer des transatlantiques; comme ils paraissaient petits dans cette grande luminosité. J'aimais le roulement des vagues qui venaient mourir à mes pieds. Quand il pleuvait, le son du phare me rendait mélancolique. J'ai passé quatre saisons d'été au bord de ces rives enchanteresses, là où les Américains venaient profiter de ce paradis.
À vingt ans, j'ai connu l'homme de ma vie. Le fleuve était encore témoin de notre amour. Comme à l'âge de huit ans, les photos de mon mariage avaient pour toile de fond le ciel et la mer.
En 1966, mon époux a été transféré pour son travail, nous sommes allés vivre le long de la Baie des Chaleurs. J'accompagnais souvent mes enfants sur la plage. Je voyais les bateaux de pêcheurs suivis par les mouettes. Ils étaient chargés de crustacés ou de poissons. La mer avait été généreuse pour eux comme pour nous.
Notre neuvième enfant est né à cette époque. Cinq années se sont passées dans ce soin de pays où les personnes sont comme cette Baie des Chaleurs: chaleureuses, attachantes et accueillantes.
Après ce temps, j'étais heureuse de revenir dans la ville de Rimouski, toujours émerveillée par les couchers de soleil sur la mer.
Les fleuves gardent leurs mystères. Dans la vie, j'ai rencontré plein de gens qui étaient inaccessibles. On ne pouvait pas les approcher, comme le courant, trop fort et les rochers trop abrupts. D'autres personnes étaient comme de petites vagues sur le sable fin, douces, attirantes et éblouissantes.
Aujourd'hui, à l'aube de l'âge d'or, je suis comme le rocher que la mer a usé; je reste là, malgré les naufrages et les récifs de la vie, "Toujours solide". Comme la vague qui se retire et revient.
Chaque jour, ma vie coule doucement près de mon compagnon, de mes chers enfants et de mes adorables petits-enfants, qui ont tous les yeux bleus ou verts comme la mer.
Texte écrit par Lucille Bérubé (soeur de ma maman Oda).
Une tante tellement chaleureuse et toujours souriante💗
Partie pour le grand voyage, le 8 novembre 2016.
Elle avait 82 ans.
Publié par Martine Pelletier