vendredi 14 février 2025

Complainte amoureuse

À la fin du 19e siècle, Alphonse Allais, écrivain débordant d'humour, évoque dans ce poème une situation des plus courantes, celle d’un amoureux repoussé par une jeune fille.

Pour ce faire, il rédige ces vers dans lesquels combinés au temps passé simple , il use et abuse d’une forme relativement peu employée en français: l’imparfait du subjonctif.
On savourera l’à-propos des rimes!
Voici la complainte amoureuse:
Oui, dès l’instant que je vous vis,
Beauté féroce, vous me plûtes;
De l’amour qu’en vos yeux, je pris,
Sur-le-champ, vous vous aperçûtes;
Mais, de quel air froid, vous reçûtes
Tous les soins que pour vous, je pris!
Combien de soupirs, je rendis!
De quelle cruauté vous fûtes!
Et, quel profond dédain, vous eûtes
Pour les vœux que je vous offris!
En vain, je priai, je gémis:
Dans votre dureté, vous sûtes
Mépriser tout ce que je fis.
Même un jour je vous écrivis
Un billet tendre que vous lûtes,
Et, je ne sais comment vous pûtes
De sang-froid, voir ce que j’y mis.
Ah! fallait-il que je vous visse,
Fallait-il que vous me plussiez,
Qu’ingénument je vous le disse,
Qu’avec orgueil vous vous tussiez!
Fallait-il que je vous aimasse,
Que vous me désespérassiez,
Et, qu’en vain, je m’opiniâtrasse,
Et, que je vous idolâtrasse
Pour que vous m’assassinassiez!

Alphonse Allais (1854-1905)
Publié par Martine Pelletier